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Quid de la place de la recherche et de l’innovation dans le débat public et dans les politiques publiques de développement ?
Auteurs  |
Dr Said HAJEM* ; Pr Mohamed HSAIRI **

L'année 2014 a été émaillée d'une floraison de débats, d'écrits et de rencontres en tous genres portant sur des questions qui touchent de près ou de loin à l'avenir proche et lointain de notre pays. Ayant suivi l'intégralité de ces débats, nous nous sommes rendus compte que les postures et les rhétoriques politiciennes ont manifestement occulté les vrais défis qui attendent une société en pleine transition comme la nôtre.

Parmi ces défis figurent indéniablement la recherche et l'innovation qui constituent désormais un véritable challenge compte tenu du contexte particulier que vit notre pays. Ces deux dimensions représentent aujourd'hui l'un des piliers essentiels de toute politique publique visant à promouvoir le développement durable dans tous les secteurs sensibles de la vie sociale et économique.

Ce n'est donc pas un hasard que, partout dans le monde, la recherche est au cœur du débat sur le renforcement de la créativité et la promotion de la productivité. En effet, nul ne peut nier que le processus créatif et d'innovation est le levier fondamental et le moteur de la production.

Mais, qu'en est-il exactement de la place accordée à l'innovation et à la recherche dans nos débats publics actuels ? Malheureusement, force est de constater que cette place est plutôt limitée voire même inexistante.

On ne peut donc que constater, avec amertume, que l'organisation et les orientations actuelles de l'espace public ne favorisent certainement pas l'émergence d'un débat structuré et profond sur des questions aussi fondamentales telles que la recherche, la créativité et l'innovation qui sont autant d'inestimables sources de progrès technique et économique.

Cette situation est d'autant plus dommageable que plusieurs questions importantes restent en suspens ce qui entrave lourdement le développement et la promotion de la recherche et de la créativité dans nos organismes et institutions scientifiques et techniques qui risquent d'accumuler immanquablement un retard difficilement rattrapable.

Parmi ces questions, il y a lieu de citer bien évidemment la nécessaire et incontournable professionnalisation des métiers liés à la recherche. Telle est la condition sine qua non pour que nous puissions promouvoir, de manière durable et pérenne, la recherche scientifique et technologique. Et c'est aussi le seul moyen pour parvenir à instaurer une véritable culture scientifique et en faire un vecteur essentiel du progrès technique.

La réponse à cet enjeu passe nécessairement par une structuration et une organisation de la profession de chercheur en la dotant d'un référentiel métier et d'un vrai statut juridique. Il est ainsi grand temps de valoriser cette profession et de reconnaître que la recherche est un métier à part entière.

Ce n'est qu'en opérant de la sorte que nous allons pouvoir valoriser ce métier et le rendre crédible aux yeux des jeunes diplômés issus des filières scientifiques et techniques. Le processus de professionnalisation trouve aussi sa justification dans l'impérieuse nécessité de pérenniser le métier de chercheur. En d'autres termes, un statut bien adapté rendra le métier attractif et favorisera la stabilité de l'emploi.

En guise de récapitulation, il y a lieu d'insister sur le fait que ce projet est à la fois rénovateur, porteur d'espoir et utile à la nation. Le renouveau est incarné par la reconnaissance juridique du métier de chercheur qui constitue une demande légitime de l'ensemble de la communauté scientifique.

Quant à l'espoir que devrait susciter cette réforme auprès des jeunes diplômés, il se justifie pleinement par le fait que le secteur de la recherche est un grand pourvoyeur d'emplois de qualité. La professionnalisation du métier de chercheur sera, enfin, grandement bénéfique pour le pays car la créativité et l'innovation sont créatrices de richesse économique et de progrès social.

Eu égard à tout ce qui précède et étant intimement convaincus qu'il n'y a indiscutablement pas de développement économique durable sans développement scientifique et technologique, nous appelons de nos vœux les plus ardents à une meilleure prise en considération des problèmes de la recherche et des chercheurs dans notre pays.

L'heure est venue, en effet, d'engager une réflexion profonde et responsable sur les métiers de la recherche scientifique et de l'innovation technologique qui constituent un réel gisement d'emploi et de véritables opportunités de carrière pour les jeunes diplômés des disciplines scientifiques et techniques, qui sont les plus rudement touchés par le fléau du chômage.

Cet engagement concret vis-à-vis de ces métiers est d'autant plus souhaitable qu'ils contribueront à façonner l'avenir de notre pays car ils ne manqueront pas à favoriser la compétitivité, la croissance et la créativité dans tous les secteurs névralgiques de notre société. De plus, ces métiers sont ouverts à une grande et large diversité de profils et constituent un puissant levier de développement.

Replacer la recherche, l'innovation et la créativité au cœur du débat public, devrait être notre préoccupation majeure. En effet, c'est bien là que se trouve notre véritable challenge capable de mobiliser et d'unir toutes les forces vives de la nation. Gagner ce challenge, c'est aussi gagner la bataille de la qualité et de la compétitivité et, par voie de conséquence, aider notre pays à se redresser aussi vite que possible.

Nous avons bon espoir que la science et les technologies réussiront où la politique et les idéologies ont échoué. Tel est notre vœu et tel est notre espoir pour la jeunesse, pour nos enfants qui nous regardent avec un sentiment de stupeur et d'inquiétude pour l'avenir. Il est de notre devoir à tous de les mettre en confiance et de leur donner espoir afin qu'ils croient davantage en l'avenir de leur pays.

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*: Rédacteur en chef . **: Directeur de la publication